“Depuis plusieurs années, je travaille sur le thème « Mémoire/Amnésie/Identité ». Ce thème immense de la mémoire évoque la question d’où je viens et où je vais, donc le thème de l’identité et du sens. Sujet au centre de mes questionnements, moi la polonaise de France et la française de Pologne. Si la culture fait partie du terreau de notre identité, elle varie tout de même selon les pays. C’est donc dans ce climat de déchirement que je me suis attelée à ma recherche en tentant de comprendre les différences et les points communs qui nous constituent. La culture et l’art, par leur fonction de représentation ou d’appréhension du monde sont à la base de toute identité, non pas comme l’évoque la théorie mimétique périmé d’Aristote, mais en cherchant à représenter la trace de la mémoire en nous. Nous pouvons pourtant observer, dans un art à valeur “universelle” des spécificités propres à chaque pays. Il donc bien question des fragments de mémoire que nous portons en nous, et qui se révèle parfois à nous-mêmes à travers une œuvre que nous regardons ou que nous créons. Évoquer ces grands sujets de la Mémoire et de l’identité n’est pas chose facile, c’est pourquoi j’ai tenté à tâtons d’exprimer différentes interprétations, comme un cheminement non vers quelque chose mais à considérer en tant que tel. J’ai essentiellement choisi la céramique et la porcelaine pour m’exprimer, cette technique renferme justement des éléments de mémoire, d’abord la mémoire géologique du matériau, la mémoire de la terre, de l’eau, de l’air et du feu, les quatre éléments nécessaires au processus de la céramique. C’est une pratique qui fait mémoire de l’Histoire et de la culture à une époque donnée. Prise dans ce sujet immense de la mémoire qui nous concerne tous, je m’exprime de manière très personnelle, en tant que femme et en tant qu’être humain, voué à sa condition de mortel, d’artiste qui cherche son chemin comme une évolution salvatrice et qui se perds tout de même, tombe, faute et se relève. Par des formes organiques, voir sensuelles, je cherche à évoquer les sujets plus profonds, ceux qui nous échappent, évoquer la fragilité de l’âme, ce qui se cache derrière les barricades de notre corps, de nos masques, de nos murs. Évoquer les traces des différentes mémoires qui nous constituent, entre passé, présent et futur, la mémoire en mouvement comme base toute identité.”
Sophie Maslowski